Un texte en souvenir d'une personne atteinte par Alzheimer
Aujourd'hui, ma co-auteure de La résidence fêterait ses 78 ans. Il s'agit de ma maman. Elle m'a inspiré cette nouvelle et j'ai puisé dans ses lettres pour étoffer le plus beau texte que j'aie écrit à ce jour.
La résidence parle d'un couple dont l'épouse doit être placée en institution pour des troubles cognitifs (type Alzheimer). Le Foyer des Pins est un lieu exemplaire, empli d'humanité. Différent de celui qui a accueilli ma maman.
J'ai écrit ce texte pour réparer mes plaies.
Extrait :
Monsieur Ricard, l'époux, a été appelé par l'institution qui accueille son épouse. Le voilà dans le bureau de la directrice.
L’émotion m’envahit. Je serre fort la feuille entre mes doigts. J’essaie de me ressaisir en respirant profondément. J’expire par la bouche, lentement, et cela me permet de reprendre un tant soit peu mes esprits. Ces mots datent de son séjour à l’hôpital psychiatrique. Pourquoi ne m’a-t-elle jamais donné cette lettre ? Je suis un peu perplexe. Je soupire avant de lire le document suivant.
La résidence est la dernière nouvelle du recueil Derrière la porte du médecin. Elle est téléchargeable pour 0.99 euro ici :

Ou en version papier chez moi : myriam.supplicy(arobase)bluewin.ch
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Un texte tendre sur une personne atteinte d'Alzheimer |
La résidence parle d'un couple dont l'épouse doit être placée en institution pour des troubles cognitifs (type Alzheimer). Le Foyer des Pins est un lieu exemplaire, empli d'humanité. Différent de celui qui a accueilli ma maman.
J'ai écrit ce texte pour réparer mes plaies.
Extrait :
Monsieur Ricard, l'époux, a été appelé par l'institution qui accueille son épouse. Le voilà dans le bureau de la directrice.
Après les salutations
d’usage, elle m’invite à prendre place sur un siège, alors qu’elle reste
debout, appuyée contre son bureau. Sur celui-ci, je remarque un amas de papiers
froissés.
— Monsieur Ricard,
je vous ai demandé de passer me voir aujourd’hui, car nous avons fait une
découverte.
Ses mains glissent sur le plateau
de son pupitre et poussent les documents dépareillés dans ma direction. Elle
poursuit son explication :
— Le froid s’étant
maintenant installé, nous avons cherché les habits chauds de votre épouse pour
l’hiver. Nous avons déniché gants, écharpes et bonnets de laine dans un sac en
plastique. A notre grande surprise, nous y avons aussi trouvé de nombreuses
missives à votre intention.
Elle m’observe quelques secondes.
Je suis très étonné. J’ignorais l’existence de ces feuilles couvertes de notes
manuscrites. En y regardant de plus près, je reconnais l’écriture de ma femme.
Je bafouille :
— Je ne les ai
jamais vues, jamais lues. Je, je ne sais même pas quand elle les a rédigées,
car cela fait bien longtemps qu’elle n’écrit plus.
Elle s’approche de moi, s’assied à
mes côtés et me caresse le bras pour me réconforter.
— J’imagine votre émotion. Prenez
votre temps.
— Avec sa manie de
trier les vêtements par saison et par personne, de les ranger dans des cabas étiquetés
et entreposés au fond de la penderie, j’aurais pu ne jamais découvrir ses lettres.
— Voulez-vous
rester seul un moment, pour que vous puissiez parcourir votre courrier ?
Vous pourrez évidemment l’emporter avec vous en partant : il vous appartient.
Cependant, je pense qu’il est important que vous le lisiez avant de rendre
visite à votre épouse.
J’acquiesce sans quitter les
messages des yeux. Madame Ramirez se redresse :
— Je serai au
premier étage, à l’espace musique. N’hésitez pas à m’appeler si vous en ressentez
le besoin.
Elle rapproche la
boîte de mouchoirs et s’éclipse à pas de loup. La porte tout juste refermée, je
tends ma main vers les précieuses lettres. Je les soulève précautionneusement
et les pose sur mes genoux. Je caresse la première pour vérifier qu’elle est
bien réelle. Mes narines se dilatent et j’inspire l’odeur de ces écrits du
passé. Ému, je saisis en tremblant le document sur le haut de la pile : un
papier à lettres très fin, ligné, couvert des arabesques rédactionnelles de mon
épouse. Je commence ma lecture, la gorge serrée.
« J’ai peur de te perdre. Toi,
tu as ton travail, tes amis à l’extérieur. Moi, je dois tenir la tête hors de l’eau
sans tout cela. Ici, il n’y a rien à faire de toute la journée, je n’ai aucun
contact et je ne vois personne. Je ne vais pas bien ces jours-ci, c’est vrai.
Je ne supporte rien, sauf un peu d’amour vrai. La psychiatrie est devenue un
univers froid où chacun doit se débrouiller face à ses problèmes. J’ai noué de
bonnes relations avec une infirmière. Elle me disait aujourd’hui même qu’il
n’est pas recommandé d’être gentil et de donner de l’amour à l’autre. Il faut
rester distant et un peu froid. Ne pas aider les autres, ne pas montrer de l’affection,
on devient très égoïste ! Je me sens si seule dans cet endroit. Au moins à
la maison, quand vous n’êtes pas là, je sais que vous allez revenir. Ici, par
moments, c’est gai comme une église vide. Tu ne le remarques pas, parce que
quand tu arrives, il y a de l’animation. La soirée commence, il y a des
visites. Le reste du temps, les aiguilles semblent être collées sur la montre.
Je ne suis pas emprisonnée, fort heureusement, mais mon âme l’est. »
L’émotion m’envahit. Je serre fort la feuille entre mes doigts. J’essaie de me ressaisir en respirant profondément. J’expire par la bouche, lentement, et cela me permet de reprendre un tant soit peu mes esprits. Ces mots datent de son séjour à l’hôpital psychiatrique. Pourquoi ne m’a-t-elle jamais donné cette lettre ? Je suis un peu perplexe. Je soupire avant de lire le document suivant.
La résidence est la dernière nouvelle du recueil Derrière la porte du médecin. Elle est téléchargeable pour 0.99 euro ici :
Ou en version papier chez moi : myriam.supplicy(arobase)bluewin.ch
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