Lettre du 28 octobre 1861
Ma très chère Elisabeth,
Vous abordez cette grossesse comme s’il s’agissait d’une
mauvaise nouvelle. Je vous remémore que donner une descendance à nos époux est
la finalité principale de notre mariage ! Elle nous assure la pérennité de
la considération et de la protection qu’ils nous accordent.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’il est absolument indispensable d’entourer la femme enceinte de belles choses à regarder ou à entendre, afin de familiariser le fœtus à tout ce qui est juste et droit ?
Je partage avec vous uniquement les propos en regard à votre
condition. Victor Frankenstein donne naissance à un humain, mais le rejette à l’instant
même où celui-ci s’anime. Cette créature, chassée, isolée, crée des déprédations
importantes. Le mauvais regard de son « père » la transforme en être
cruel et odieux…
Que Dieu me pardonne !
Je vous écris des horreurs, mais cette histoire me hante.
Je devrais reprendre La
Dame aux camélias. Savez-vous que la troupe de théâtre va monter cette
pièce tendancieuse ici-même au printemps prochain ?
Pour en revenir à votre questionnement, je me dois de vous
demander si vous sentez déjà l’enfant bouger, car c’est le moyen le plus sûr de
garantir que vous êtes grosse.
Si vous avez des haut-le-cœur, mangez des bribes de pain et
si vous craignez une grossesse plurielle, consultez un médecin ! Demandez-lui
d’enfoncer dans votre nombril son stéthoscope - un tube métallique à travers
lequel il devrait entendre les bruits du cœur du bébé.
Vous pensez que je suis bien savante, détrompez-vous :
j’ai assisté à l’examen médical de ma mère lorsqu’elle souffrait du cœur.
Quant à vos problèmes vestimentaires, il va falloir vous
emballer soigneusement. Il serait très inconvenant que vous montriez votre
grosseur à vos gens.
Croyez bien en mon immense commisération à votre égard.
Votre fidèle amie
Marie-Antoinette
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