Lettre du 21 octobre 1861


Ma bien chère Marie-Madeleine,


Il faut que je vous révèle mon secret. Ne répandez pas le bruit, je vous en conjure !


Je crois que quelque chose germe en moi.


Réservez vos démentis pour plus tard ! Tout d’abord, ouïssez les signes qui m’ont menée à cette conclusion.


Je prie chaque jour Iphigénie de délacer un peu mon corset après le départ de mon mari. 

Non que ma panse m’encombre, mais ma poitrine est passée de « jolies poires » à « potirons généreux ». Mes robes ne couvrent plus toutes les nouvelles courbes de mon buste.


Eugène, mon domestique particulièrement minutieux, remarque que mon siège n’est plus à bonne distance de la table pour les repas. Il insiste pour me le pousser de plus et je crains que mon mari en prenne ombrage.


En dernier lieu, lundi, je défaillis. Probablement suis-je restée trop longtemps en pied à mirer les fleurs de mon dahlia.  Personne ne fut témoin de ma chute, fort heureusement, car mon petit secret représente une grande révolution pour notre maison.


Maintenant conseillez-moi, je vous en supplie ! Vous êtes mon amie la plus digne de confiance. Pensez-vous que mes doutes soient fondés et, si c’en était le cas, comment l’annoncerais-je à qui de droit sans toutefois l’horripiler ?


Je vous adresse ce pli par coursier privé, afin que ma requête vous arrive au plus vite. Je vous saurais gré de bien vouloir dépenser quelques deniers, afin que vous dépêchiez un homme pour m’apporter le réconfort de vos mots dans mon profond désarroi.


Votre amie

Elisabeth

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