Lettre du 9 septembre 1861









Ma chère Marie-Antoinette,


Je prends la plume pour vous remercier de partager avec moi vos escapades croquignolesques.


Si je devais aborder ma dernière partie de jambes en l’air dans ces pages, je pourrais vous parler du jour où je suis montée à califourchon sur Cadichon.


Pourquoi commettre une telle imprudence vous demandez-vous. Vous connaissez ma passion pour la Vierge Marie ? Ne me jugez pas, je vous prie, mais j’ai voulu ressentir dans ma chair ce qu’elle avait vécu en se rendant à Bethléem.



A peine m’étais-je posée sur son échine que cet âne n’eut de cesse que de galoper en renversant tout sur son passage. Mon cocher n’a rien pu y faire.


Il faut croire qu’une dame de ma corpulence ne pèse pas lourd face à un animal têtu et assoiffé de liberté. D’une ruade, il se débarrassa de moi en plein marché. Devant l’étale du boucher, je n’avais pas fière allure, mes jupons retroussés jusqu’aux genoux.


Fridolin m’a prêté main forte pour me relever. Il soigne sa clientèle celui-là ! Quant à Germaine, elle m’a donné une douceur caramélisée. Elle n’avait pas emporté ses sels avec elle ce jour-là et craignait que les émotions ne me fassent tourner de l’œil.


A mon retour, Edmée a longuement passé la brosse dans ma chevelure, afin d’en éliminer les fétus de paille qui s’y logeaient. Joseph n’en aurait jamais rien su, s’il ne s’était pas mis en tête de m’entreprendre. Mes meurtrissures au popotin m’ont obligé à tout lui conter par le menu.


Le surlendemain, Monsieur l’abbé m’a ramené Cadichon. Cet imposteur se servait sans vergogne dans le potager de la cure.


Je prie chaque soir Saint Benoît pour vous, qu’il vous conserve en pleine santé.


Dans l’interminable attente de découvrir vos bons mots, je vous embrasse, ma très chère correspondante.


Elisabeth




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