Au bloc opératoire - Scène coupée de À contretemps

Je suis en train de retravailler mon manuscrit À contretemps.

J'ai décidé de couper cette scène au montage, raison pour laquelle je vous la partage.

 

Jessica subit une opération pour réparer sa triple fracture de la cheville.

 

 - Tout se passe bien ?

- C’est plutôt à moi de vous poser la question.

- En effet, mais souvent les patients ressentent les changements avant que les appareils détectent quoi que ce soit.

- Que sont-ils en train de fabriquer de l’autre côté ?

- Ils posent des vis pour réparer votre péroné.

- J’ai l’impression qu’ils farfouillent dans mon genou.

- Je vous assure qu’ils sont au niveau de la cheville.

- Alors je suis rassurée.

Elle jeta un œil au tensiomètre : cent deux sur soixante-cinq. L’anesthésiste avait suivi son regard :

- C’est un effet secondaire totalement normal. Je vais vous injecter un produit pour régulariser tout ça. Je vous remets les écouteurs ?

Jessica acquiesça. Elle essaya de replonger dans l’état de béatitude dans lequel elle se trouvait il y a encore quelques minutes, mais n’y parvenait pas. De sa main la moins ligotée, elle se libéra une oreille. Nicole s’en rendit compte.

- Quelque chose ne va pas ?

- Si, si, j’ai juste besoin d’entendre ce qu’il se passe.

- Vous vous sentez angoissée ?

- Je n’ai pas envie de calmant, si c’est votre question. J’ai juste besoin d’être présente, dans cette salle d’opération, avec le reste de mon corps.

- Si c’est plus confortable pour vous, cela me convient parfaitement.

- Pourriez-vous me décrire ce qu’ils font, là-bas ?

- Bien sûr. Ils vous ont fixé une plaque sur la fracture du péroné. Cela permettra de vous rétablir plus rapidement.


- Vous pensez qu’ils ont bientôt terminé ?

- Ils doivent encore intervenir sur la malléole interne.

- C’est-à-dire ?

- Une de vos fractures a cassé l’extrémité de cet os. Ils vont le refixer avec une vis.

- Et ensuite ?

- Ensuite, ils termineront l’intervention, sutureront et vous feront un pansement.

- J’ai l’impression d’avoir la jambe gauche surélevée.

- C’est exact. Ils prennent une radio pour vérifier que tout est bien en place.

- Est-ce normal que cela me démange ?

- A quel niveau ?

- Du décolleté.

- Permettez-moi de jeter un coup d’œil !

Et l’anesthésiste souleva le drap chauffant, puis descendit jusqu’au ventre de la patiente. Jessica soupira. Combien de fois sa pudeur allait encore être bafouée ? Mais c’était pour la bonne cause : ces démangeaisons étaient vraiment irritantes.

Nicole reparut :

- Vous devez faire une réaction allergique au produit que je vous ai injecté. Pouvez-vous encore supporter cela une dizaine de minutes ?

- Oui, bien sûr.

Le bruit de la perceuse les interrompit.

« Comme c’est étrange de sentir quelqu’un me visser de l’intérieur. Étonnamment, c’est moins désagréable que le dentiste, mais je n’en sortirai pas sur mes deux jambes. »

L’anesthésiste annonça :

- Sept minutes.

Jessica la regarda, les yeux en point d’interrogation.

- C’est le délai pour desserrer le garrot afin d’assurer qu’il n’y aura pas de séquelle.

- Et ils sont dans les temps ? s’inquiéta la jeune femme.

- Oui, absolument, mais c’est mon travail de gérer le temps. Vos démangeaisons sont toujours tolérables ?

- Pas vraiment, mais je pense qu’elles seraient plus supportables si je pouvais me concentrer sur autre chose. Pouvons-nous bavarder ?

- Cela serait avec un grand plaisir, mais je dois rester concentrée sur l’intervention jusqu’au bout, vous comprenez ? Par contre, je peux faire venir Rodrigo.

Elle fit un signe par-dessus le champ et un jeune homme s’approcha de la tête de Jessica. Celle-ci entama la conversation :

- Bonjour, vous êtes donc Rodrigo ?

Il acquiesça. Ce n’était pas un bavard. Elle devrait fournir les efforts pour le dégeler, afin qu’elle puisse occuper son cerveau à autre chose que son envie de se gratter.

- Quel est votre rôle dans cette salle d’opération ?

- Je suis étudiant, je suis là pour observer.

- Oh, vous avez choisi la chirurgie depuis longtemps ?

- Oui, j’ai toujours voulu être chirurgien. Mon frère a eu une fracture ouverte au bras lorsque j’avais 8 ans. Quand j’ai vu son bras en parfait état après son passage à l’hôpital, je me suis promis de faire ce métier qui permettait de réparer les enfants.

- C’est un beau job, vous avez raison, mais ça demande de longues études ?

- J’en ai encore pour trois ans, mais c’est une véritable passion pour moi.

Jessica remarqua qu’il gardait les yeux rivés sur ce qui se passait au niveau de sa cheville.

- Que sont-ils en train de faire ?

- Ils ont presque fini.

- Vous pouvez développer ?

- La radio a confirmé que tout était parfait. L’interne suture la malléole externe et…

- Deux minutes, lança Nicole.


 

Jessica s’affola :

- Ils termineront à temps ?

L’étudiant et l’anesthésiste répondirent en chœur :

- Oui, oui.

Alors la patiente se retourna vers Rodrigo :

- Et vous avez d’autres frères et sœurs ?

- Non, je n’ai que Marco.

- Et quel est son métier ?

- Il est expert-comptable, une sommité dans son domaine.

Sa bouche était couverte par un masque, mais Jessica pouvait voir son sourire de fierté dans ses yeux.

Le champ opératoire fut démonté, sans préavis. La jeune femme interrogea :

- Je, je peux regarder ? Ils ont fini de me charcuter ?

- Oui, oui, ils terminent le pansement.

Alors Jessica releva la tête et vit quelqu’un bander son pied et fixer le pansement avec un scotch bleu.

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