A 7h20, Jessica ouvrit les yeux. Elle se
rappela instantanément qu’elle devait contacter Consuela pour qu’elle vienne
effacer sa maladresse. Après l’envoi du message, elle songea à son réveil saugrenu
de la veille. Sa convalescence avançait à grands pas !
Le portable vibra dans sa main. La femme
de ménage annonçait qu’elle serait là vers neuf heures. Jessica appréciait cette
réactivité.
Elle se leva à un rythme adéquat. A l’aide
de ses cannes, elle se déplaça jusqu’au panier de fruits, duquel elle préleva
une banane. Cela ne correspondait pas à son envie du moment. Elle aurait
préféré déguster une orange ou la mangue bien mûre qui parfumait son intérieur,
mais elle trouva plus prudent de manger un fruit qui s’épluche facilement.
Plantée sur une jambe comme un flamant
rose, elle prit son petit déjeuner debout au milieu du salon. Elle abandonna la
peau de banane sur la table basse.
Elle avait un programme et voulait s’y
tenir.
Elle partit avec ses béquilles en
direction de la salle de bains.
La veille, elle avait utilisé le tabouret que
Diane avait installé devant le lavabo pour faire un brin de toilettes, mais
aujourd’hui elle se servirait de celui déposé dans sa douche. Elle se
déshabilla avec habileté et inaugura la grande chaussette en plastique que lui
avait offert sa sœur pour emballer son plâtre. Prudemment, elle entra dans la
cabine et appuya le genou de sa jambe blessée sur le tabouret pour assurer son
équilibre. Elle prit sa douche, comme avant l’accident, ou presque.
– Ne pas glisser en sortant, ne pas
glisser en sortant, se répétait-elle avec une certaine appréhension.
Elle n’avait pas fermé la porte de la
salle de bains, au cas où… Consuela était ponctuelle. Si Jessica tombait, elle
ne devrait pas attendre plus d’une heure sur son carrelage blanc.
Tout se déroula parfaitement.
- Je progresse, se réjouit-elle quand elle
constata qu’il ne lui fallait que quelques minutes de plus que son timing usuel
pour se préparer. Bon présage pour son retour au bureau lundi !
Habillée, maquillée, elle se déplaça
jusqu’au salon. Elle jeta un long regard à son bureau. Tentée de s’y assoir,
elle renonça rapidement. Déplacer son portable représentait un obstacle
colossal avec des béquilles.
Jessica se laissa donc tomber dans son
canapé. Elle alluma son ordinateur et consulta ses mails. Aucun ne provenait de
son assistant. Grégoire tenait parole : il conservait les questions
brûlantes pour son retour. Elle parcourut les autres messages, puis rangea son
portable.
Elle jeta un œil à son téléphone. Étrange !
Aucune notification du groupe des copines. Tant mieux. L’idée de rester
tranquille à la maison la rassurait, depuis l’incident avec le verre.
Il lui restait un ami fidèle, qu’elle
avait un peu délaissé depuis son accident. Son violoncelle. Elle s’approcha de
lui. Elle l’observa, le caressa avant de prendre place sur le siège devant le
lutrin. Elle lui sourit avant de le coller contre sa chair. Prépara son archet,
fit vibrer doucement les cordes et, après quelques ajustements, entama les
mélopées du quatrième tableau.
Délicatement, la femme de ménage entra et,
d’un signe de la main, la pria de continuer son concertino. Le plus
silencieusement possible, Consuela remit de l’ordre dans la cuisine et dans le
reste de l’appartement.
Malgré son oreille collée à l’instrument,
Jessica entendait qu’elle chantonnait doucement. D’un regard à la dérobée, elle
perçut que Consuela bougeait au rythme de Vecchia zimarra. La musicienne
sourit, touchée de découvrir en elle une mélomane.