Lettre du 11 novembre 1861


Chère Elisabeth,

Honoré de Balzac est décédé il y a qu’une dizaine d’années et vous avez déjà un bienfaiteur qui se nomme comme l’un de ses personnages ? Il n’est pas aisé de deviner si la réalité a inspiré l’écrivain ou si ce sont les parents qui ont puisé ce prénom dans les romans-feuilletons publiés dans un journal, à l’instar du Siècle ou du Constitutionnel (avant qu’il ne soit racheté par Jules Mirès, cela s’entend).

Pour savoir à quoi s’en tenir, il me faudrait connaître l’âge de ce Felix Grandet. Le même que votre mère, je suppose…


En parcourant vos lignes, certains termes ont éveillé ma curiosité. Vous parlez d’un « tuteur bienveillant, presque paternel » et d’un « ami de longue date » de votre mère.

Je ne souhaite certainement pas entacher sa réputation, mais êtes-vous absolument convaincue que votre mère se soit présentée blanche comme une colombe devant le prêtre ? L’Immaculée Conception est une doctrine bien trop récente de l’église pour qu’elle s’applique à une autre que Marie, alors permettez-moi, ma très chère amie, de vous poser une question : avez-vous calculé à quelle période vos parents ont copulé afin de vous procréer ?

Je soupçonne que vous soyez le fruit d’une petite frivolité avec Felix, comme celles que je m’offre parfois avec d’autres.

Avant que la nuit ne tombe et m’oblige à clore mes écritures, je ne peux que vous conseiller de ne pas trop imaginer votre enfant. Dans votre dernière lettre, vous l’avez appelé « mon fils », mais gardez à l’esprit que vous portez peut-être des jumeaux ou même une fille !

Je joins à ma missive quelques fleurs de lavande, symbole de la tendresse que je vous porte. (Depuis l’été dernier, j’en avais délaissé un bouquet qui séchait dans la Réserve.)

Recevez, je vous prie, mes cordiales pensées.

Votre Marie-Antoinette.

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