Le soutien-gorge messager
Il y a
plusieurs semaines, je commandais des sous-vêtements sur internet. A réception
du colis, je passais en revue les différentes pièces de lingerie. Quelle ne fut
pas ma surprise quand je vis quelques mots ajoutés manuellement sur l'étiquette
de mon nouveau soutien-gorge ! J’y lisais très distinctement « Vous
avez une magnifique poitrine ».
Un peu
décontenancée, mais flattée, je décidais de passer une nouvelle commande. Dans
la case « Commentaires », je notais : « on se connaît ? » Quelques
jours après, je recevais mon nouveau balconnet. Je me précipitais sur
l'étiquette : « Celui-ci ira parfaitement avec votre petite robe violette ! »
Quel service
personnalisé ! Des compliments, des conseils pour accorder les différents
articles de leur assortiment, j’en riais ! C’était une excellente manière
de fidéliser la clientèle, sans beaucoup d’efforts : juste un stylo à bille
et une personne flatteuse qui consultait les anciennes commandes derrière son
écran, et le tour était joué !
Ma curiosité et mon besoin de tout comprendre était satisfait. Mais l’illusion
de cette explication marketing se dissipait. Après quelques jours, je réalisais
que ma tenue violette avait été achetée dans la boutique au coin de ma rue...
Comment la collaboratrice du magasin en ligne pouvait-elle connaître cet
habit ? La collaboratrice ou le collaborateur d’ailleurs ?! Je ne
pouvais pas savoir si l’auteur de ces petits messages était de la main d’un
homme ou une femme !
J’en concluais
que mon site de vente par correspondance préféré employait un psychopathe, qui
me suivait à mon insu. Je commençais à me sentir observée. Je me méfiais de
tout le monde. Je me retournais vivement au moment les plus imprévisibles pour
démasquer le mystérieux mateur…
Avant de
devenir totalement parano et de me cloîtrer définitivement chez moi, je
décidais de reconsidérer les indices, afin de limiter un peu les suspects. Ma
robe violette était connue de mon entourage direct : mes collègues, mes
amis, mes voisins et les vendeurs des magasins dans lesquels j’avais mes
habitudes.
Dans ma petite
entreprise, nous étions tous bien trop investis pour jouer en parallèle le
manutentionnaire en textile. J’avais monté cette boîte d’events il y a
quelques années, avec une ancienne camarade de classe, en qui j’avais
pleinement confiance.
Au début, nous n’organisions que des conférences et des
mariages. Avec le bouche-à-oreille, nous avions décroché des contrats de
collaboration dans l’organisation de divers salons et festivals régionaux. Nous
avions dû embaucher deux assistantes administratives, pour nous permettre
d’avoir une vie privée. Depuis leur engagement, j’avais enfin pu m’accorder
quelques rares soirées de liberté et répondre aux avances assidues d’Antoine.
Toute l’équipe était hors de cause et l’examen attentif de notre fichier-clients
ne soulevait aucun soupçon de ma part.
Je passais en
revue tous mes contacts et dévisageais les gens de mon quartier. Je ne voyais
décidément pas qui pouvait bien travailler pour ce magasin en ligne.
N’ayant plus
aucune piste à suivre, je passais finalement une nouvelle commande, avec
mention : « Comment pourrait-on discuter ? ». Un soir, le petit
colis m’attendait. Je l’ouvrais immédiatement. A l’endroit habituel, je
trouvais « SMS au 07 18 29 31 45 »
Curieuse et
impatiente, je composais le numéro sur mon portable et j’appuyais sur la touche
d’appel. Pas de sonnerie, juste la voix automatique qui m’annonçait que
l’abonné n’était pas disponible pour le moment. Un instant après, je recevais
le message suivant : « Il faut respecter les règles ! ».
J’envoyais une
série de SMS :
« Qui êtes-vous ? »,
« Que me
voulez-vous ? »,
« Nous connaissons-nous ? »
Aucune
réponse.
J’insistais :
« Quels sont vos intentions à mon
égard ? »,
« Faites-vous cela pour des raisons professionnelles ? »,
« Comment connaissez-vous ma robe violette ? »
Le long silence
arrivait à bout de ma patience, déjà mise à l’épreuve par les semaines
d’enquête.
J’envoyais un dernier texto : « Je n’ai pas de temps à
perdre. Répondez ou j’arrête tout ! »
La minute d’après, mon portable
affichait : « Surveillez votre courrier ! ».
Déconcertée, je
rétorquais : « Qu’est-ce qui vous fait croire que votre petit jeu
m’intéresse ? ».
La réponse implacable arrivait sans délai : « Vous
avez investi trop de temps et d’argent pour pouvoir me convaincre que NOTRE
petit jeu vous déplaît. »
J’avais imaginé un échange qui durerait des
heures, avec un admirateur passionné. En fait, j’avais affaire à un pervers
psychorigide ! A la place du long dialogue espéré, je passais une nuit
d’insomnies, perturbée par les scenarii que produisait mon cerveau pour générer
une explication cohérente.
Je me levais
automatiquement à la sonnerie de mon réveil. Une fois prête, je sortais de mon
immeuble. Je jetais machinalement un coup d’œil dans ma boîte aux lettres. Il
s’y trouvait une enveloppe.
Je sursautais.
Je glissais les doigts dans la fente
et en extirpait l’étrange pli. Il m’était destiné. L’adresse y était inscrite
au stylo par une main que je ne connaissais pas encore physiquement, mais dont
l’écriture m’était très familière. L’absence de timbre et l’heure de passage
d’un obscur facteur me permettait de définir où vivait mon correspondant
inconnu : un périmètre géographique très restreint !
Un grand portail
en fer forgé fermait automatiquement l’accès de la Résidence Orwell aux
non-habitants des cinq petits immeubles de couleur pêche. C’était donc un
voisin ! Mon regard se promenait alentours, cherchant quelle fenêtre
pouvait bien abriter l’employé du site internet, pendant que mes doigts
ouvraient fébrilement l’enveloppe.
Un carton
d’invitation d’excellente qualité - déformation professionnelle ! –
m’indiquait une adresse, une date assez proche et une heure pour « Une
soirée de partages intimes ». Il y était aussi mentionné : « Soyez
bien accompagné(e) ! »
Le moment
d’effarement passé, je déchirais la carte et glissais les morceaux dans mon
sac.
« Quel
toupet ! Pour qui se prend-il ? »
Pendant ma
pause de midi, je m’isolais et j’appelais mon casse-croûte préféré. Je lui
racontais que j’avais reçu une invitation pour une soirée un peu spéciale et
que je n’avais aucune intention d’y participer, sauf si…
Non, cela n’intéressait
pas Antoine. Voilà l’ultime confirmation que j’attendais pour envoyer un dernier
SMS à l’inconnu : « Je ne viendrai pas, GAME OVER »
Le lendemain, je faisais la connaissance de ma
nouvelle voisine de palier. Elle venait d’emménager et était en train de trier
les publicités trouvées dans sa boîte aux lettres. Je ne pus m’empêcher de
remarquer son grand intérêt pour un catalogue de sous-vêtements, où je devinais
quelques mots inscrits au stylo sur la couverture.
Je veux la suite ! lol. C'est super intriguant :)
RépondreSupprimerSi vous appréciez les textes roses, je viens de publier Amants inconnus sur Amazon (0,99 euro)
SupprimerC'est la version tout public.
RépondreSupprimerLa version complète, elle se rend à la soirée avec Antoine...
Je la trouve où la version complète?
SupprimerElle n'est publiée nulle part...
SupprimerElle a participé à des concours de nouvelles "roses", mais n'a pas tiré son épingle du jeu.