Lettre du 7 octobre 1861


Ma très chère Marie-Antoinette, 

Ne vous inquiétez pas, votre époux ne vous rejettera pas, car vous êtes une femme fort raisonnable. 

Mon amie Clarabelle m’a raconté que son mari l’avait emmenée à Monte Carlo. Il s’y rendait pour parlementer avec un tailleur de pierre. Celui-ci proposait de véritables merveilles. Philippe espérait acquérir une de ses œuvres pour ornementer les appartements de sa tendre épouse. Ils profiteraient de leur présence dans le quartier du temple pour rendre une visite de courtoisie à la cousine de Monsieur, qui habite non loin de là.

Malheureusement, mon amie découvrit dans la gazette locale que Charles III de Monaco avait légalisé les jeux d’argent et qu’un casino flambant neuf venait d’ouvrir ses portes à deux pas de leur lieu de résidence. Après avoir préalablement prélevé une coquette somme de la bourse de Philippe, elle s’y est précipitée.


Cette joueuse invétérée a évidemment perdu son joli pécule à la roulette. Pour se consoler, elle s’est laissée offrir quelques verres par des foutriquets. Ceux-ci l’ont alcoolisée et entrainée dans un espace fermé pour y partager quelques moments coquins.

Un gentilhomme, témoin de la scène, fit chercher le malheureux époux. En rendez-vous au Palais, il fut ahuri quand on lui conta l’histoire. Il se précipita dans la pièce pour sauver sa dulcinée des griffes de ces mécréants. Il s’empara de Clarabelle, alors qu’elle était lascivement allongée sur un canapé. Les trois escogriffes qui l’entouraient avaient leur artilleur au garde-à-vous dans leur froc.

Philippe ramena son épouse dans leurs appartements. Plus question de pierre sculptée, ni d’autres plaisirs coûteux, puisqu’elle avait tout dilapidé. Mais il ne demanda pas le divorce.

Alors ce ne sont pas vos quarante centimes de montgolfière clouée au sol qui mettra votre couple en péril.

Recevez, très chère amie, mes bonnes pensées et mon affection ineffablement renouvelée.


Elisabeth

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